- Mouvement national des précaires de l'Éducation Nationale -

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- Mutation, vous pouvez la refuser

Le droit au repos et à la santé peut être invoqué pour refuser une mutation

 
Lorsque l'employeur impose un transfert du lieu de travail dans un même secteur géographique, même en l'absence de clause de mobilité prévue par le contrat de travail, il n'est en principe pas possible de s'y opposer. Sauf pour le salarié à démontrer que cette mutation porte atteinte à sa situation personnelle, familiale, ou encore à son droit au repos et à la santé.

De jurisprudence constante, il est admis que le transfert du lieu de travail situé dans un même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail (sauf clause claire et précise stipulant que le salarié exécutera son travail exclusivement dans un lieu déterminé). Même en l'absence de toute clause de mobilité prévue par le contrat de travail, une telle mutation géographique relève du pouvoir de direction de l'employeur. Il en résulte côté salarié que refuser une mobilité qui n'exige pas de changer de secteur géographique, c'est s'exposer à un licenciement. Sauf, tempère la Cour de cassation, à démontrer que la mesure n'est pas justifiée ou que son impact sur la vie personnelle est excessif.

Mutation à 40 kilomètres de distance

Début 2012, une employée de bureau d'une coopérative agricole est informée, pour cause de réorganisation de l'activité, qu'elle est mutée du site d'Evron au siège social à Laval (Mayenne). Dans la mesure où les deux sites ne sont distants que de 35 kilomètres, ce qui représente un trajet de 40 minutes en voiture et 15 à 25 minutes en train, il est admis que cette mutation s'opère sans changement de secteur géographique et n'exige pas de modifier le contrat de travail. 

Après une réflexion assez longue, la salariée refuse néanmoins d'être mutée. Ce départ à Laval, justifie-t-elle, induirait sur le plan personnel de trop grandes difficultés, au regard de la prise en charge de ses trois enfants mineurs, mais aussi de son état de santé (deux certificats médicaux, un établi par un médecin du centre hospitalier universitaire d'Angers et l'autre par un médecin du travail, sont communiqués à l'employeur). Ce qui n'empêche pas la direction de la licencier pour faute grave.

Reconnaissance du droit au repos et à la santé du salarié

L'affaire est portée devant le tribunaux. La cour d'appel d'Angers valide d'abord le licenciement, mais écarte la faute grave compte tenu des 15 années d'ancienneté de la salariée et du sérieux des motifs personnels évoqués. La chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 16 novembre, va quant à elle beaucoup plus loin dans le sens de la salariée et reproche à la cour d'appel de ne pas avoir recherché "si la décision d'affectation de la salariée ne portait pas atteinte aux droits de la salariée à la santé et au repos et à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché".

Si l'on savait qu'une atteinte à la vie personnelle et familiale peut être avancée pour légitimer le refus d'une mutation dans le même secteur géographique (lire les arrêts du 29 octobre 2014 ou du 7 juillet 2016), c'est en revanche à notre connaissance la première fois que le droit à la santé et au repos sont évoqués par la Haute Cour pour justifier le refus d'une mutation géographique. Ceci n'est toutefois pas surprenant, compte tenu de la faculté reconnue d'invoquer une atteinte excessive au droit au repos dans le cadre d'un changement des horaires de travail (lire l'arrêt du 3 novembre 2011).

Julien François
•• Sources >>>

 



02/01/2017

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